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Effet de mode ou changement de modèle ? Retour sur les journées des nouvelles mobilités

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Les services de voitures, scooters, vélos et même trottinettes en libre service se multiplient dans les grandes villes, un peu partout dans le monde. Parallèlement, les ventes de voitures électriques augmentent (+ 40 % entre 2015 et 2016). Plus de 2 millions de véhicules électriques roulent dans le monde, dont le tiers en Chine, où le gouvernement a fixé un quota de 12 % de voitures électriques à atteindre d’ici 2020.  Selon le magazine de prospective WeDemain, la dernière édition de l’étude « Electric Vehicle Outlook » est marquée par une très forte révision à la hausse du taux de pénétration des voitures électriques, avec pour la première fois une anticipation à plus de moitié de part de marché des véhicules neufs, soit 55% dès 2040. Les véhicules électriques représenteraient alors 33% des flottes en services. Avec la diminution du prix des batteries et les économies d’échelle, les véhicules électriques cesseraient d’être subventionnés vers 2024/2025 dans la plupart des pays. De 1,1 million de véhicules électriques vendus en 2017, les prévisions portent sur 11 millions de ventes en 2025, 30 millions en 2030 et 60 millions en 2040. La Chine représentera plus de moitié du marché mondial des véhicules électriques jusqu’à 2025. Son poids relatif régressera lentement ensuite tout en restant le premier marché de l’automobile électrique dans le monde et le premier producteur. Ces anticipations sont corroborées par les décisions d’un nombre croissant de villes d’interdire les véhicules à combustion interne à un horizon allant de 2025 à 2035.

En France, la signature à Bercy, le 22 mai dernier, du nouveau contrat de la filière automobile pour 2018-2022 a été marquée par l’engagement des industriels à multiplier par cinq les ventes de véhicules 100% électriques d’ici 2022. Le pays devrait alors compter 600.000 véhicules électriques et 400.000 hybrides rechargeables. Parallèlement, le nombre de bornes accessibles au public devra passer d’environ 20.000 actuellement à 100.000 en 2022. Depuis la loi de transition énergétique de 2015, l’Etat a allégé les restrictions pour l’installation de bornes dans les copropriétés. Ces dernières n’ont plus le droit de s’y opposer et les nouvelles constructions doivent prévoir l’infrastructure qui permettra d’installer ces bornes.

Engagée depuis plusieurs années dans une politique d’expérimentations et de déploiements de nouvelles offres de mobilité, notamment avec le projet So Mobility, la ville d’Issy-les-Moulineaux organisait, le 21 septembre dernier à l’occasion de la Semaine Européenne de la Mobilité, deux tables-rondes pour faire le point sur le développement des voitures électriques et les dernières expérimentations en cours.

Comment devons-nous nous préparer au développement des véhicules électriques ?

 

Si on se pose aujourd’hui la question, au cours d’une première table-ronde  animée par Alexandre Guillet, rédacteur en chef de l’Argus pro, c’est parce que l’adoption de la voiture électrique devient significative. Mais dans l’esprit des automobilistes, ce type de véhicule est encore synonyme de grosses contraintes, notamment en matière d’autonomie. Et une fois que la batterie est vide, il y a le stress de la recharge. Pourtant, Le réseau de bornes se développe à bonne vitesse. Au dernier pointage fait par Gireve, une société créée pour accélérer le développement de la mobilité électrique, il y a 10 060 stations en France, comportant 23 019 points de recharge. Un chiffre en hausse de quasiment 15 % en un an, rappelle le président du Gireve, Bruno Lebrun, malgré la fermeture du réseau Autolib en Ile-de-France. À ce jour, comme il y a quasiment 150 000 véhicules électriques en circulation, cela donne un point de recharge pour 6,5 habitants. Mais il en faudrait 1 pour 10 habitants.

Cela viendra, indiscutablement, dès lors qu’on arrêtera de penser aux risques pour le réseau électrique. Si les 5 millions de véhicules électriques que la France compterait en 2030 , comme l’envisagent certains experts, se rechargeaient en même temps, cela représenterait 2,5 %  de l’électricité consommée dans le pays, moins que lors des pics de chaleur ou de froid, rassure Guillaume Langlet, directeur d’Enedis pour les Hauts-de-Seine. « Une recharge normale, à la maison après le bureau, représente la même puissance qu’un chauffe-eau ». Le projet Bienvenu, expérimenté au Fort d’Issy depuis l’an dernier, a permis de comprendre que les automobilistes ne rechargeaient pas leurs véhicules en même temps. Le déploiement des compteurs connectés Linky facilitera également le « smart charging » et optimisera le réseau électrique. Preuve qu’Enedis ne craint pas le développement du véhicule électrique : son parc automobile est, avec 2500 véhicules, la deuxième flotte de France derrière la Poste.

Le mouvement semble donc inéluctable. Christian Grellier, directeur de l’innovation de Bouygues Immobilier, rappelle d’ailleurs que 100% des nouveaux parkings (pour les logements comme les bureaux) sont désormais équipés de points de recharge électrique. Et son entreprise travaille avec le MIT pour anticiper la ville de demain et mesurer l’impact des nouvelles mobilités sur les futurs quartiers à construire.

Plusieurs pays européens se distinguent par leur niveau de maturité sur le sujet. Président de Metapolis, Fabien Cauchi  a mis en avant le projet de Lisbonne avec le déploiement de 540 bornes de recharges électriques, notamment dans le cadre du projet européen SHARING CITIES,  avec un accent porté sur l’interopérabilité. La capitale portugaise affiche également une forte volonté pédagogique pour sensibiliser la population et lui permettre de participer au développement de cette nouvelle approche.

Mais c’est la Norvège qui détient la palme d’or en Europe. 160.000 véhicules électriques circulent sur les routes et elles représentent aujourd’hui 40 % des voitures neuves. Si la croissance des ventes est forte, c’est que le pays a adopté des incitations économiques concrètes pour atteindre son objectif que tous les véhicules vendus en 2025 soient zéro émission (électriques ou hydrogènes). Henrik Harboe, Ministre Conseiller de l’Ambassade de Norvège en France a dressé une liste impressionnante de mesures incitatives : exemption de la TVA et de la taxe de changement de propriétaire, gratuité des péages, gratutié des parkings municipaux, accès aux voies de bus, réduction des taxes sur les véhicules de société et augmentation de 20 % depuis 2016 de la taxe sur le CO2. La Norvège compte 2352 stations de charge pour 11325 points de recharge.  Le succès de la voiture électrique est le résultat d’une volonté politique paradoxale, mais assumée,  chez le 1er producteur européen de pétrole. Et il ne compte pas s’arrêter là : le 1er ferry électrique y a vu le jour en 2015 et le 1er avion électrique a décollé de Norvège en juin dernier. Le royaume scandinave avait retenu 2020 pour atteindre 50 % de parts de marché en véhicule électrique. L’objectif a été atteint en 2017. Au cours de l’hiver 2018, le seuil limite de pollution fixé par l’Europe n’a jamais été franchi à Oslo. Une Première, qui devra encore être confirmée, mais très prometteuse.

Voir l’intégralité de la table-ronde sur Issy.TV

Les présentations PowerPoint

L’électricité sera aussi la norme des futurs véhicules autonomes.  Au cours de la seconde table-ronde de la journée, consacrée aux expérimentations et animée par Olivier Zanetta, rédacteur en chef de la châine ViaGrandParis, Richard Dujardins, Directeur général de Transdev, a rappelé l’expérimentation menée au printemps 2017 dans le parc de l’Ile-Saint-Germain d’Issy-les-Moulineaux, en précisant que de nouvelles étapes avaient depuis lors été franchies. Une prochaine expérimentation sera menée dans la zone universitaire de Rouen, avec des Zoé et un nouveau type de navettes autonomes, plus rapides grâce à une infrastructure routière équipée de capteurs.  « La France est très bien positionnée dans le monde et a un vrai savoir-faire » a-t-il insisté, en se déclarant confiant dans les progrès rapides enregistrés. « D’ici 2020, on aura des solutions pérennes avec la gestion des croisements sur route ». Même analyse de Stéphanie Bourgeais, responsable des nouvelles activités à la RATP, qui rappelle que 55.000 personnes ont testé une navette autonome depuis un an et demi et que les progrès enregistrés sont rapides.

Contrairement aux expérimentations américaines, « l’évolution vers le véhicule autonome passe avant tout par le mode collectif » pour Pierre Calvin, président de l’ATEC ITS, car « le véhicule autonome individuel ne résoudra évidemment pas les problèmes de congestion sur les routes ». « Sauf si on imagine que ces véhicules ne seront plus la propriété d’un individu mais seront partagés et passeront la journée à transporter différentes personnes » rétorque Michèle Flasaquier, vice-présidente de l’Institut Innocherche, un think tank spécialisé sur les questions de transformation numérique. Au contraire, pense-t-elle, « ce sera une libération pour toutes les personnes qui ne sont pas mobiles, les personnes âgées, les handicapés, etc. » Le Livre Blanc que vient d’éditer le think tank « Ville de demain » de l’Institut Innocherche (à feuilleter ou télécharger ici) rappelle d’ailleurs qu’il a fallu une dizaine d’années, au début du 20ème siècle, pour voir la voiture supplanter la calèche à cheval dans les rues des grandes villes. A l’époque, la voiture était perçue comme moins polluante et plus économique que le cheval.

Si les véhicules se transforment, les routes aussi évoluent. Bernard Sala, Directeur Général Adjoint chargé de la Prospective Développement et Recherche chez Colas, estime par exemple que les routes seront de plus en plus connectées, grâce aux capteurs qui interagiront avec les véhicules autonomes,  pour leur permettre d’anticiper les prochains carrefours par exemple. La route solaire « wattway », actuellement expérimentée dans plusieurs villes françaises (dont Boulogne-Billancourt), accompagne également les nouvelles mobilités autonomes. Derrière ces tests, l’idée est de transformer la route pour qu’elle évolue vers un nouveau type d’usages. On pourrait même envisager que les véhicules se rechargent automatiquement via la route elle-même. « Cela existe déjà à Shenzhen, en Chine », sourit Michèle Flasaquier. « Les bus électriques, qui s’y comptent par milliers, se rechargent aux feux rouges ».

Evolution des véhicules et des routes, mais aussi des voyageurs eux-mêmes. Car avec les données ouvertes et le smartphone, on pourrait demain trouver instantanément le bon itinéraire avec le bon mode de transport. Et si, en plus, le paiement entre les différents modes était facilité, ce serait un grand progrès. C’est la promesse du MaaS (Mobility as a Service) lancé à Helsinki, en Finlande. A Mulhouse, Transdev teste un « compte mobilité » qui réunit sur une même application, « whim« , stationnement, transport public, autopartage, et vélo en libre service. L’utilisateur paye la mobilité à la fin du mois, comme une facture d’électricité. Ce système sera aussi prochainement testé sur le plateau de Saclay avec Colas, qui va mener une expérimentation MaaS avec Moov’Hub, une application développée pour cela.

Revoir l’intégralité de la table-ronde en vidéo

Le sujet des nouvelles mobilités est encore au stade des expérimentations et des promesses. Pourront-elles réellement fluidifier les déplacement dans des milieux urbains de plus en plus denses ? Il y a encore du pain sur la planche, mais les projets sont prometteurs.

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