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André Santini : comment une ville devient-elle « smart » ?

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Maire d’Issy-les-Moulineaux et vice-Président de la Métropole du Grand Paris en charge de la stratégie économique, André Santini, a accordé un entretien au magazine en ligne « Regards sur le Numérique », RSLN Mag, édité par Microsoft pour croiser points de vue et perspectives sur les nouveaux enjeux – culturels, économiques, sociétaux – du monde numérique. Il y a livré sa vision de la « Smart City », en soulignant notamment que « Le fait qu’il y ait de moins en moins d’argent public contraint à de plus en plus d’imagination, d’ouverture d’esprit, de recherche de mutualisation » .

L’intégralité de l’interview : 

Qu’est-ce qu’une smart city selon vous ?

André Santini : La smart city est une notion, un concept, qui est pour moi au carrefour de trois bouleversements majeurs du début du XXIème siècle :

  • La révolution urbaine (rappelons que le nombre de citadins aura doublé dans moins de 30 ans) ;
  • La transition numérique, qui ouvre des perspectives inédites dans tous les domaines ;
  • Et le défi climatique, qui impose aux villes une autre mutation.

Ce que je cherche à démontrer, à mon modeste niveau, c’est que la smart city se traduit dans la vie quotidienne par de réelles améliorations. Qu’importe les noms ! Si nous parvenons à réduire nos consommations énergétiques, à fluidifier les déplacements, à faciliter les démarches administratives, à vivre dans un environnement assaini, connecté et moderne, nous aurons atteint notre objectif.

A quoi ressemble et ressemblera la « smart » Issy-les-Moulineaux ?

Nous ne parlons plus seulement de démarches en ligne, d’informations en temps réel ou de transformation de la relation citoyenne avec les élus à travers les réseaux sociaux. La smart city transforme désormais la manière dont nous devons penser les consommations énergétiques ou les transports dans nos villes. On parle même d’urbanisation de nos systèmes d’information pour maîtriser les flux de données auxquelles nous devrons faire face dans les toutes prochaines années.

Mais, pour bâtir une smart city, il faut un terreau favorable : à Issy-les-Moulineaux, nous avons démarré il y a plus de vingt ans. Et elle n’est pas seulement la première ville française de plus de 50 000 habitants totalement fibrée, où les écrans noirs de nos écoles ont laissé la place aux tableaux numériques, où les seniors échangent avec des robots et où les populations utilisent leurs smartphones pour nous signaler des problèmes ou faire des suggestions…

Quelles sont les problématiques de la ville auxquelles le numérique peut répondre ?  Avec quels acteurs ?

Cette nouvelle vague de la révolution numérique implique, comme toujours, une évolution des mentalités, y compris de la part des décideurs qui comprennent intuitivement que ce n’est plus la collectivité qui fait la ville, mais qu’ils doivent mettre en place les conditions pour faire faire la ville avec la contribution d’acteurs multiples, des citoyens aux acteurs économiques. Ce sont ces nouvelles formes de coopération qui se dessinent et qui vont transformer la ville.

Le fait qu’il y ait de moins en moins d’argent public contraint à de plus en plus d’imagination, d’ouverture d’esprit, de recherche de mutualisation. Outre les expérimentations, qui permettent de valider l’intérêt d’un service et son appropriation par la population, la création de consortiums répond à cette nouvelle forme de partenariats :

  • Le projet de démonstrateur d’un quartier intelligent Issy Grid est piloté par un consortium de dix entreprises privées, dont Schneider Electric, Microsoft, General Electric ou encore Bouygues Immobilier, sans investissement financier de la ville
  • Le projet So Mobility, qui vise à expérimenter de nouvelles solutions pour fluidifier les déplacements, est piloté par un consortium de six entreprises auquel nous participons via notre Société d’économie mixte Issy Média.

Au final, ce n’est pas l’outil qui importe : c’est bien l’amélioration de la vie quotidienne des habitants. Tous les outils permettant d’atteindre cet objectif sont donc les bienvenus !

Comment le sujet est-il piloté en interne ? Comment avancez-vous ?

Nous travaillons en mode collaboratif, entre la Direction des systèmes d’information, outsourcée, la Direction générale des services et Issy Média, qui a l’avantage d’être agile et rapide.

Nous croyons beaucoup à l’expérimentation in situ pour faire avancer les choses. A titre d’exemple, le paiement du stationnement par téléphone mobile a fait l’objet d’une expérimentation de plus d’un an. Lors de l’appel d’offres lancé pour désigner le gestionnaire du stationnement, nous avons intégré ce dispositif dans le cahier des charges. Il a été généralisé avec PayByPhone sur la ville d’Issy-les-Moulineaux fin 2009 et a depuis été étendu dans près de 150 communes françaises.

Nous continuons, comme tout le monde, à rechercher le bon modèle économique pour la smart city. A l’heure où l’innovation doit devenir « frugale », comme le souligne Navi Radjou, autant par nécessité que par bon sens, le partage des risques devrait être systématiquement recherché.

Lorsqu’on pense smart city, ne faut-il pas réfléchir à l’échelle du territoire davantage qu’à celle de la ville ?

A Issy-les-Moulineaux, notre démarche se veut pragmatique. Réduire la congestion des transports dans nos villes est l’une des principales priorités des élus locaux depuis plusieurs années. Les pouvoirs publics ont massivement investi dans les transports en commun, comme l’illustrent encore les efforts consentis pour construire le Grand Paris Express. Mais il faut aller plus loin encore car l’augmentation des déplacements en milieu urbain n’est pas absorbée par ces nouvelles liaisons en transports en commun.

Il faut garder à l’esprit que nos initiatives pour rendre notre ville plus intelligente ont pour objectif de sensibiliser tous ceux qui peuvent agir concrètement, à l’échelon national ou régional, pour améliorer la situation. Il s’agit de réfléchir ensemble pour faire la démonstration que le concept de smart city appliqué à la mobilité urbaine peut améliorer, très concrètement, la vie quotidienne de nos habitants et salariés et fluidifier leurs déplacements.

C’est pourquoi, avec le consortium d’entreprises derrière le projet So Mobility, nous avons lancé un appel à tous les acteurs intéressés par le sujet : les collectivités territoriales (la Région Ile-de-France, le Département des Hauts-de-Seine, le territoire de Grand Paris Seine Ouest), des grandes entreprises comme La Poste, le monde académique avec l’ISEP, l’Ecole des Ponts, les pôles de compétitivité, mais aussi de très nombreuses start-up y ont répondu pour travailler ensemble et identifier plusieurs axes de développement pour :

  • Réduire les embouteillages grâce au big data, c’est-à-dire aux données collectées à partir de capteurs placés au sol ou sur candélabres aux principaux carrefours ;
  • Faciliter le stationnement, dont la recherche représente 20 à 30% du flux de circulation dans nos métropoles, avec le développement du parking partagé au sein de résidences de logements ou d’entreprises, ou la pose de capteurs sur voirie pour identifier les places disponibles sur smartphone ;
  • Développer l’information multimodale pour changer les comportements grâce à une information personnalisée et géolocalisée en temps réel ;
  • Anticiper, enfin, les nouveaux modes de déplacements comme l’autopartage entre particuliers, le covoiturage en milieu urbain, ou l’expérimentation de véhicules autonomes.

La ville et les espaces de demain seront toujours, comme c’est le cas depuis les débuts de l’humanité, des communautés d’hommes et de femmes qui y vivent et y travaillent. A nous, responsables politiques, de veiller à ce qu’ils y trouvent l’environnement le plus agréable possible.

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