À l’heure où les algorithmes dictent largement nos choix culturels, une jeune plateforme de Boulogne-Billancourt fait le pari inverse. Son nom : Amalibri. Fondé par deux Boulonnaises, Fabienne Duclos et Christelle de La Fournière, ce réseau social littéraire revendique une approche radicalement humaine du partage de lectures. Ici, pas de calcul automatisé : les recommandations viennent de proches, de cercles choisis, de lecteurs qui se font confiance.
Un “WhatsApp du livre”, sans algorithme ni profilage
Amalibri est né d’un constat simple, presque banal. À la cantine de leur entreprise, Fabienne Duclos et Christelle de La Fournière échangeaient quotidiennement sur leurs lectures. Des goûts différents, mais des conseils souvent justes, parce qu’ils étaient incarnés. De ces discussions informelles est née l’idée d’un outil numérique capable de reproduire cette mécanique : recommander un livre parce qu’on connaît la personne à qui on le suggère.
Le positionnement est clair : Amalibri se situe à l’opposé des plateformes de recommandation algorithmique. Le réseau se définit comme un « WhatsApp-livre », fondé sur des groupes privés — amis, famille, collègues, membres d’un club de lecture — où chacun partage librement ses coups de cœur. La devise résume l’ambition : « Pour les gens qui aiment les gens qui aiment les livres… »
Des groupes privés pour restaurer la confiance
Le fonctionnement se veut volontairement sobre. L’inscription ne requiert que le nom, le prénom et une adresse e-mail, un choix assumé en matière de sobriété numérique et de protection des données personnelles. Une fois connecté, l’utilisateur crée un groupe, le nomme, puis invite ses proches par lien WhatsApp ou par e-mail.
Cette logique de cercles fermés favorise des échanges sincères, loin des effets de masse. Amalibri s’adresse aussi bien à un groupe familial qu’à une librairie de quartier ou à un club de lecture informel. En parallèle, la plateforme propose des groupes thématiques ouverts — polar, science-fiction, rentrée littéraire — accessibles à l’ensemble des inscrits.
Autre singularité : Amalibri publie régulièrement des contenus d’auteurs qui soutiennent la démarche, à l’image d’Adelaïde de Clermont-Tonnerre ou de Bernard Minier, apportant une dimension éditoriale crédible sans transformer le réseau en média promotionnel.
Un projet soutenu et déjà récompensé
Lancé officiellement en 2024, Amalibri a rapidement convaincu les acteurs institutionnels. Le projet a bénéficié d’une subvention de la Banque publique d’investissement (BPI) pour financer son prototype, ainsi que du soutien du Centre national du livre, qui a contribué à sa visibilité et à son réseau professionnel.
À l’échelle locale, la Ville de Boulogne-Billancourt a joué un rôle d’accélérateur : orientées vers Seine Ouest Entreprise et Emploi par la municipalité, les fondatrices ont bénéficié d’un accompagnement structurant pour affiner leur modèle.
Cette dynamique a été confirmée en 2025 par l’obtention du prix Créatrices d’avenir – catégorie Innovation, décerné dans les Hauts-de-Seine. Amalibri est également en lice pour le concours Made in 92, tout en développant un nouveau levier : l’entreprise. Les fondatrices proposent désormais aux organisations de relancer des clubs de lecture internes, en s’appuyant notamment sur les budgets RSE, pour recréer du lien entre collaborateurs.
Redonner de la valeur au conseil d’un proche
Amalibri s’inscrit dans une tendance de fond : celle d’un numérique plus relationnel, recentré sur l’usage et la confiance. En matière de lecture, la plateforme rappelle une évidence souvent oubliée : le meilleur conseil reste celui d’un ami, d’un collègue ou d’un proche. Une bibliothèque personnelle, partagée et choisie, désormais accessible en quelques clics.
