Cristina Pronello, chercheuse de l’Université de technologie de Compiègne, était l’invitée des Ateliers de So Mobility, le 5 avril dernier, pour présenter « Mobilité Dynamique », une application capable de mesurer les déplacements multimodaux, développée en partenariat avec le Syndicat mixte des transports collectifs de l’Oise (SMTCO) et l’Université Technologique de Compiègne.
En fait, l’idée est née en Italie fin 2015. L’absence d’études régulières de mobilité, jugées trop coûteuses, avaient alors incité la région du Grand Turin (environ 2,5 millions d’habitants), dans le Piémont, à réfléchir à la collecte de données en temps réel sur les déplacements pour pouvoir prendre les bonnes décisions. Présidente de l’Autorité de régulation des transports du Piémont, Cristina Pronello décide de réfléchir à une plateforme de collecte, d’analyse et d’extraction de données sur la mobilité urbaine issues de sources différentes, à travers une méthode mixte, spécifiquement développée, reposant sur une approche quantitative et qualitative.
La méthode développée par le professeur Pronello agrège alors les données de l’open data, du pass Navigo local, même des tweets (mais ils s’avèrent peu utiles car rarement géolocalisés), de capteurs d’exploitants de transports comme Transdev et Keolis, et décide de lancer une application spécifique, Mobilité Dynamique, disponible sur Android et iOS, qui enregistre, avec l’accord des utilisateurs, les données de mobilité. Elle permet de suivre les déplacements à pied, en voiture, à vélo, en train ou en bus de ses utilisateurs. Ces derniers n’ont qu’à activer le GPS de leur smartphone. Pour plus de fiabilité, ils peuvent aussi signaler chacun de leur déplacement en temps réel. Cristina Pronello reçoit toutes les informations sur un serveur. Celles-ci sont analysées, traitées et retranscrites sous forme de matrices, cartes… Une fois traitées, toutes ces données permettront de comprendre la dynamique des comportements. Une méthode innovante qui vise, à terme, à organiser de façon cohérente et optimale les différents modes de transport. En aboutissant à des réalisations concrètes, comme des pistes cyclables si un besoin se révèle.
Elle a depuis pris la tête d’une Chaire « Mobilité Intelligente et Dynamiques Territoriales » à l’Université Technologique de Compiègne et utilise la plateforme autour des agglomérations de Compiègne, Beauvais et Creil, dans l’Oise. Un « living lab » a été créé pour recueillir l’avis des utilisateurs à travers des groupes de réflexion et un questionnaire en ligne (disponible sur My-Moby.com). En Italie, cette consultation a recueilli plus de 4.000 contribution et un millier de personnes ont accepté de rejoindre le Living Lab et de participer à des rencontres physiques pour échanger sur leurs besoins. Cette étude lui a permis de classer les utilisateurs en trois catégories : les « neo-Luddites opportunistes », souvent technophobes et les ‘néoclassiques » qui représentent un quart de la population chacun et les « hédonistes technophiles et écologistes » qui représentent l’autre moitié.
« Mon but c’est éduquer les gens », de les sensibiliser et de les inciter à changer de comportement, a-t-elle expliqué car « le changement passera par l’éducation à la mobilité ». Mais il s’agit de rester pragmatique et de rechercher un modèle économique qui n’existe pas encore. Les solutions multimodales, par exemple, lui paraissent chères et peu utilisées car les gens connaissent leur trajet quotidien et ne croient pas à d’autres alternatives, sauf en cas de grèves.
Elle souhaite nouer un partenariat avec les membres du projet So Mobility, afin de créer un groupe de réflexion « Living Lab », avec des personnes issues d’horizons, d’âges et de revenus différents, afin d’avancer dans la compréhension des réelles attentes du public. Car si l’application ne fait aujourd’hui que collecter des données, l’objectif des travaux de recherche est de former une communauté, d’ouvrir les données à un usage collaboratif et permettre par exemple d’identifier quel est le meilleur itinéraire (le plus rapide, le plus emprunté ou celui qui est le préféré) pour traverser la ville aux heures de pointe à vélo. Chacun peut donc contribuer à enrichir l’application mobile et aider l’équipe de chercheurs.