La Faculté de droit de la Catho de LIlle, dont le studio Droit et Digital est implanté à Issy-les-Moulineaux, a proposé une passionnante table ronde, lors du Festival #VivaIssy en juin dernier, sur l’impact de l’Intelligence Artificielle sur le Droit.
Organisée par Delphine DOGOT, Directrice du Studio Droit et Digital et Maître de conférences à la Faculté de droit UCLille, la table ronde avaient réuni Zacharie LAÏK, avocat et enseignant, Emma MIQUEL, Doctorante, chercheuse en droit numérique, Dimitri ROSE, Doctorant et chercheur en droit pénal, et Sabine VAN HAECKE LEPIC, docteure en droit, avocate et médiateur.
L’intelligence artificielle (IA) représente une avancée technologique majeure qui bouleverse de nombreux domaines, dont celui du droit. Face à cette révolution, les juristes sont confrontés à des défis tout aussi majeurs qui nécessitent une adaptation rapide de leurs compétences et une réflexion approfondie sur les enjeux éthiques posés par cette nouvelle technologie.
Une des questions centrales concerne la formation des juristes pour s’adapter à l’IA. Avec des capacités de traitement et d’analyse des données bien supérieures à celles de l’être humain, l’IA pose un défi à la manière dont les juristes appréhendent le droit. Pourtant, malgré ses capacités, l’IA ne peut raisonner comme l’homme, car elle n’est pas dotée de sensoriel. Cela soulève un débat éthique autour de la nature même de l’humain et de ses spécificités par rapport à l’IA.
Le « Malaise du Droit » est un terme qui revient fréquemment lors des débats. Les concepts de règle, de causalité et d’intention, fondements du droit traditionnel, sont remis en question par l’Intelligence Artificielle. Comment appliquer ces notions à une machine qui opère principalement sur des données et des algorithmes ? Cette remise en question offre également une opportunité de repenser la manière dont le droit est conçu et interprété.
L’IA est capable de produire des résultats saisissants, comme rédiger une fiche d’arrêt à partir d’une décision de justice. Cette capacité suscite des interrogations sur l’évolution des rôles des juristes, qui pourraient devenir des correcteurs plutôt que des rédacteurs. Le risque est que les erreurs et les biais inhérents aux résultats de l’IA passent inaperçus pour un non-juriste. Le libre arbitre de l’être humain, qui lui permet de s’adapter au contexte et d’interpréter les règles pour créer de la jurisprudence, est alors mis en opposition à l’efficacité apparente de l’IA.
Outre les défis pratiques, des questions épineuses concernent la propriété intellectuelle dans le contexte de l’IA. Si une Intelligence Artificielle est capable de créer une œuvre originale, à qui revient la propriété intellectuelle ? Un cas récent aux États-Unis a évoqué la notion de compilation d’images justifiant une protection, mais la réponse reste incertaine. De même, la valeur du « prompt », c’est-à-dire les instructions données à l’IA pour accomplir une tâche, est également une problématique non résolue.
Un autre aspect crucial est celui de la responsabilité en cas d’infraction causée par une IA. L’IA étant considérée comme un objet juridique selon le droit pénal, il se pose la question de qui doit être tenu responsable : celui qui utilise l’IA ou celui qui l’a programmée ? Cette interrogation souligne la nécessité d’une régulation adaptée pour encadrer l’utilisation de l’IA.
Heureusement, l’émergence de l’IA ouvre également de nouvelles perspectives professionnelles dans le domaine du droit. De nouveaux métiers, axés sur l’arbitrage et la prise de position, sont susceptibles de voir le jour pour accompagner ces transformations technologiques.
En conclusion, l’intelligence artificielle représente un défi majeur pour le droit et soulève des questions fondamentales d’ordre éthique, juridique et sociétal. La formation des juristes doit s’adapter à cette nouvelle réalité, tout en maintenant un regard critique sur les implications de l’IA dans notre système juridique. Une régulation adéquate et une réflexion continue sur les enjeux éthiques liés à l’utilisation de l’IA sont essentielles pour garantir un développement harmonieux de cette technologie dans le domaine du droit.
Le site web de la Faculté de Droit de Lille et d’Issy-les-Moulineaux
Plus d’infos sur le studio Droit et Digital de la catho de Lille