Secteur Public et IA Générative : l’analyse de Metapolis sur une transformation incontournable

Eric LEGALE

Le service public entre dans une phase où l’IA générative ne relève plus de la prospective. Les administrations la manipulent déjà, parfois sans cadre formel, souvent par nécessité. Le Livre blanc « Le service public à l’ère de l’intelligence artificielle : point d’étape », récemment publié par Metapolis, dresse un état des lieux précis de cette bascule. Structuré à partir de plusieurs années d’accompagnement d’institutions publiques, le document met en lumière une réalité désormais incontournable : l’IA transforme les pratiques quotidiennes des agents et impose une refonte méthodique de l’organisation publique.

Une technologie qui modifie les métiers administratifs

Metapolis est un cabinet français spécialisé dans la transformation numérique du secteur public, qui accompagne administrations et collectivités dans la conception, l’évaluation et le déploiement de services publics innovants fondés sur la donnée et l’intelligence artificielle. Son étude rappelle que l’IA n’est pas un outil neutre. Les choix techniques qu’elle implique sont porteurs d’enjeux éthiques et politiques. Dans un secteur largement composé de métiers de l’information, l’impact est direct. Une analyse Roland Berger de septembre 2025 estime que 36 % des emplois publics sont exposés à des transformations substantielles. L’enjeu ne porte pas sur la disparition des postes, mais sur l’évolution du rôle des agents, appelés à devenir de véritables copilotes. Les compétences critiques se déplacent vers l’analyse, le contrôle, la compréhension fine des limites de l’IA et la capacité à détecter les erreurs.

Le Shadow AI, symptôme d’un besoin d’efficacité

Metapolis identifie un phénomène déjà bien ancré : le recours spontané à des outils comme ChatGPT, Gemini ou Copilot pour accélérer des tâches de production ou de rédaction. Ce Shadow AI répond à une recherche d’efficacité mais expose les administrations à des risques structurels : confidentialité, souveraineté des données, conformité réglementaire. Le chercheur Yann Ferguson propose un cadre en trois étapes pour en sortir : clarifier les règles, mutualiser les bonnes pratiques, et fournir des outils sécurisés, notamment des environnements de test et des formations adaptées.

Une IA encore limitée mais porteuse de nouvelles capacités

Le rapport rappelle que l’IA actuellement déployée est une IA dite « faible » : spécialisée, dépendante des données, incapable de raisonnement autonome. Ses limites techniques se manifestent par des erreurs factuelles fréquentes. Sans systèmes d’augmentation type RAG, jusqu’à 60 % des réponses d’un modèle générique peuvent s’avérer incorrectes.

Les gains de productivité sont par ailleurs difficiles à mesurer. Une étude réalisée début 2025 montre, par exemple, que des développeurs convaincus de travailler plus vite grâce à l’IA se révélaient en réalité 19 % plus lents. Cette dissonance souligne la nécessité d’un encadrement méthodologique rigoureux.

Metapolis observe toutefois une dynamique prometteuse : l’« agentification ». Ces agents intelligents, capables d’exécuter des séries de tâches et d’interagir avec d’autres systèmes, ouvriront la voie à des usages plus intégrés, à condition de disposer de socles techniques robustes et de données à jour.

Les exigences éthiques et la soutenabilité

L’IA publique ne peut gagner la confiance des usagers sans garanties solides. Qualité des données, gouvernance claire, supervision humaine, transparence et équité constituent les fondements d’une IA de confiance. Certaines collectivités ont pris une longueur d’avance : Montpellier a temporairement suspendu l’usage de ChatGPT pour construire une charte avec les citoyens ; Nantes Métropole a développé une boussole éthique pour encadrer les usages.

La question environnementale devient également centrale. L’Agence Internationale de l’Energie prévoit que la consommation énergétique des data centers pourrait presque tripler d’ici 2030. Dans ce contexte, les programmes nationaux Territoires Intelligents et Durables (TID) ou DIAT encouragent des approches d’IA frugale, intégrées aux stratégies numériques territoriales.

Les stratégies d’adoption : quatre postures

Le Livre blanc identifie quatre trajectoires d’adoption dans les collectivités :

  • Encadrement : chartes éthiques, temps de débat, observation structurée (Montpellier, Nantes).
  • Pionniers : déploiement rapide et visible, avec un cas d’usage fort pour entraîner les équipes (Issy-les-Moulineaux).
  • Mutualisation : coopération active avec l’écosystème (ex. EKITIA en Occitanie).
  • Exploration : approche expérimentale, par itérations, centrée sur la recherche de valeur.

Issy-les-Moulineaux, vitrine d’un usage citoyen

Issy-les-Moulineaux figure parmi les pionniers. Avec IssyGPT, la Ville a été l’une des premières en France à intégrer un service conversationnel accessible 24h/24, inspiré du modèle d’OpenAI. L’objectif : offrir un accès continu à l’information municipale et initier l’ensemble de l’organisation à l’usage de l’IA. Ce choix implique néanmoins de maintenir un cap stratégique clair, pour éviter que la vitrine technologique ne prenne le pas sur la transformation structurelle.

Une gouvernance IA pilotée par la valeur

Metapolis clôt son rapport par un cadre d’évaluation en trois dimensions, destiné aux administrations souhaitant structurer leurs projets :

  • IA utile : impact réel sur le métier, alignement stratégique.
  • IA responsable : conformité éthique et juridique, supervision humaine.
  • IA viable : performance, coûts maîtrisés, capacité d’industrialisation.

Ce triptyque permet de dépasser la logique du ROI strict pour replacer la transformation autour de la valeur publique.

Une transformation qui reste humaine avant tout

Pour Metapolis, la conclusion est claire : l’IA générative constitue un levier d’accélération sans précédent, mais sa réussite dépend moins des machines que de la capacité des organisations publiques à se former, à encadrer, à expérimenter et à garder le sens du service au cœur de la démarche. Les collectivités qui sauront articuler innovation, responsabilité et maîtrise gagneront durablement en efficacité et en qualité de service.

Accéder au rapport complet sur le site de Metapolis

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